Environnement

La Reine des Alpes, grande souveraine du Mercantour

today23 mai 2023 63

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Connaissez-vous l’Erygium alpinum ? Ce petit chardon bleu dont la floraison a lieu entre juillet et août, alors que le soleil est à son zénith en France, a bien failli disparaître ! Mais heureusement, grâce à la collaboration du Parc national du Mercantour et des agents du parc, la Reine des Alpes a été sauvée et son règne est aujourd’hui très surveillé par les agents du Parc. Radio Oxygène vous donne un aperçu de ce que vous auriez pu manquer si ce travail de longue haleine n’avait pas été effectué. 

Dans le Parc national du Mercantour, il fut un temps où la reine des Alpes était très présente. Notamment dans le côté nord du parc, à sa frontière avec l’Italie. Les zones où l’on pouvait observer cette espèce de chardon bleu étaient tellement vastes qu’ils étaient surnommés “la mer”, a expliqué Georges Lombard, un des gardes moniteurs du Parc national du Mercantour.

En effet, les inflorescences de cette petite fleur sont constituées de nombreuses petites fleurs blanches groupées en tête oblongues. Ces petites inflorescences sont entourées à leur base d’une involucre de bractées bleuâtres à bleu violacé, comme une petite collerette. Ce contraste de bleu et de blanc fait penser à l’eau de la mer et son écume. Mais ces étendues de bleu en plein milieu de la verdure se sont petit à petit effacées du Parc national. La Reine des Alpes a disparu avec le temps, elle est devenue une espèce de plante rare. Et cette éclipse est expliquée par le changement des pratiques agricoles. 

Chaque changement compte pour la biodiversité

Auparavant, les agriculteurs utilisaient la fauche pour récupérer du fourrage. Ces périodes de fauches avaient lieu après le 15 août, alors que les Reines des Alpes étaient mûres et dispersaient leurs graines pour se reproduire. Mais la fauche a été abandonnée pour la pratique pastorale, c’est-à-dire que les moutons sont désormais envoyés dans les champs pour manger l’herbe. Ce qui est complètement différent. Envoyés dans les vallées du Mercantour à partir du 15 juin, les moutons avaient mangé toutes les fleurs bleues du Mercantour. Georges Lombard a expliqué : “En 1980, il ne restait plus qu’une poignée de Reine des Alpes” dans le Nord du Parc. 

La Reine des Alpes met quatre ans à fleurir, et une plante peut vivre jusqu’à 50 ans. Mais la  fétuque paniculée, une grosse touffe qui ressemble à du blé, est aujourd’hui une plante dominante du parc. Heureusement, dans certaines zones un peu plus fraîches peuvent s’apercevoir quelques Reine des Alpes qui, malgré leur faible nombre, dominent en grandes souveraines du Parc des Alpes du Sud. Si la floraison est moins impressionnante en période de sécheresse, les gardes moniteurs du Parc prennent soin de chaque plante qu’ils croisent car cette fleur est une espèce dite “parapluie”. C’est-à-dire que sa floraison permet de sauvegarder de nombreuses espèces de la faune et la flore environnante. C’est un véritable habitat pour les insectes. 

La Reine des Alpes du Parc national du Mercantour, une espèce "parapuie". Photographie de martin_67 de Pixabay.
La Reine des Alpes du Parc national du Mercantour, une espèce « parapuie ». Photographie de martin_67 de Pixabay.

Tout le monde se bouge pour la Reine !

Alors qu’il restait très peu de pieds de cette espèce, une opération pour sauver ce chardon bleu a été mise en place par les équipes du Parc National du Mercantour.

  • 1984 : Les premières mesures de conservation sont mises en place. Une dizaine de pieds ont été retrouvés dans le Parc du Mercantour, hors de question de les laisser périr ! Une clôture a été installée pour éviter la venue des moutons et des ongulés sauvages. 
  • 1989 : Ces dix pieds se sont dispersés. L’espèce s’est répandue sur un hectare. Les propriétaires, bergers et éleveurs se rapprochent des guides pour établir certaines règles autour de la préservation de la Reine des Alpes.

Mais les premiers travaux du Parc n’ont pas fait l’unanimité du côté des acteurs de la vallée du Mercantour. Mais les bergers ont tout de même joué le jeu et ont respecté les limitations de terrain qui leur ont été imposées. Les zones de pâturages sont désormais consommées en fin de saison, comme auparavant la pratique de la fauche. La Reine des Alpes a donc pu continuer de s’éparpiller et de grainer dans les vallées des Alpes du Sud de la France. Un véritable équilibre a été mis en place pour préserver à la fois la nature et l’économie locale.

Un travail de très longue haleine qui a réussi à s’épanouir grâce à de nombreuses discussions entre les guides et les bergers, dont le bétail était le premier prédateur de la Reine des Alpes. Aujourd’hui, Georges Lombard est “fier d’avoir pu communiquer avec [les bergers] et d’avoir établi un niveau de confiance. Aujourd’hui, on est sur une zone de dix hectares de report de pâturages. On est passé de quelques pieds à quelques milliers de pieds […] L’espèce est sauvée”.

Depuis 1997, les gardes moniteurs du Parc National du Mercantour continuent de prendre soin de leur petite protégée. Un protocole de recherche a été mis en place et toute la zone où la Reine des Alpes forme des marées est quadrillée. Chaque pied fleuri ou non fleuri est recensé tous les cinq ans. Un travail pharamineux qui permet de suivre l’évolution de la Reine des Alpes sur du très long terme. La présence de la plante, son abondance et la caractérisation de son habitat sont étudiés pour connaître au mieux ses besoins et s’y adapter afin d’établir la meilleure gestion pastorale sur les zones d’abondance. 

À côté de ces protocoles, le tapis végétal a également été étudié de manière exhaustive. Toutes les plantes qui cohabitent avec la Reine des Alpes ont été observées pour ne surtout pas modifier la biodiversité des zones où le chardon bleu a été quadrillé. 

Longue vie à la Reine !

La fauche du 15 septembre est une date clé dans la préservation de la Reine des Alpes. C’est une période de fauche qui permet de couper la fétuque paniculée et cela aide beaucoup l’espèce de chardon à respirer. Si cette “litière” est retirée, elle n’est pas délaissée. Les pieds de fétuque paniculée sont exportés et des tas sont disposés aux bons endroits afin que les espèces à fleurs puissent germer et se reproduire. Un travail gargantuesque qui ne serait pas possible sans la collaboration des guides moniteurs avec les éleveurs. 

Aujourd’hui, cette espèce prospère et se porte bien. Depuis 43 ans, le site a évolué et tout ce patrimoine est transmis aux nouvelles générations qui sont très enjouées à l’idée de s’intégrer dans la vie du Parc national du Mercantour. Ce qui est important, pour l’ancien guide retraité Georges Lombard, c’est de continuer à se poser des questions pour faire évoluer le site. 

 

Écrit par: admin

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